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La guerre des Trois aura-t-elle lieu ?

, par  Daniel Arnaud , popularité : 66%
Cet article provient d'une source externe à NJ sans autorisation mais à titre d'information.
Bonjour Visiteur à partir du 15 juillet 2025

Daniel Arnaud est un Français installé en Russie depuis de nombreuses années après avoir également habité l’Ukraine après la chute de l’Union soviétique. Il a collaboré avec notre chaîne YouTube dès son lancement. C’est-à-dire au printemps 2022 afin de tenter de réinformer face à la propagande que l’on a vu déferler sur l’ensemble du système médiatique mainstream.

Il nous livre aujourd’hui son point de vue d’occidental grand connaisseur de la Russie, sur le conflit mondial actuellement en cours.

Regis de Castelnau

Les impérialismes rivaux

Pour exprimer qu’il valait mieux jouer de diplomatie que faire la guerre, Winston Churchill disait : « better to jaw, jaw, jaw, then to war, war, war ». Il semble que dans toute l’Union Européenne, la diplomatie soit devenue un crime, valant les épithètes de traitres, suppôts de Poutine, etc. La clameur montant de toutes les chancelleries est « guerre, guerre, guerre ». On était assez habitué à cette rhétorique de la part des pays Baltes, qui pouvaient d’autant plus se la permettre, que leur absence de moyen, les protégeait de leur propre agressivité. Mais, ce sont aujourd’hui les trois plus grandes puissances de l’UE, la France, l’Allemagne, et l’Angleterre qui les ont rejoints, dans la rhétorique guerrière. Ainsi, après avoir substantiellement pénalisée leurs économies, s’être complètement mises en dépendance des USA qui en profite pour les racketter, la France, l’Angleterre et l’Allemagne semble vouloir terminer leur seppuku géopolitique et économique dans l’enthousiasme, en allant faire la guerre directe, avec la Russie.

La plupart des commentateurs Européens et Russes analysent ce comportement irrationnel comme de l’agitation médiatique, destinée à la « consommation interne ». Il faut inquiéter les populations pour mieux les contrôler, et justifier l’augmentation des dépenses militaires, au détriment des dépenses sociales, de santé, etc. Dimitri Medvedev le dit lui-même : « l’UE a inventé la menace russe pour unir l’électorat et dépenser de l’argent ».

De fait, sachant que l’UE, de son propre aveu, n’a ni les moyens financiers, ni militaires pour soutenir l’Ukraine, comment peut-on envisager que ses dirigeants songent sérieusement à faire la guerre directement à la Russie ? Ainsi, les commentateurs concluent-ils en général, soit à l’agitation médiatique, soit à l’incompétence des dirigeants européens en panique devant ce qui ressemble de plus en plus à une défaite. Mais en analysant plus avant les facteurs historiques et économiques, se pourraient-ils que nous fissions face à quelque chose de beaucoup plus sinistre ? Question d’autant plus légitime qu’en parallèle des déclarations de plus en plus dangereuses, comme celle du président finlandais Stubb, « l’UE ne doit pas prendre en compte les inquiétudes de sécurité de la Russie », les provocations se multiplient : soi-disant incursions volontaires de drônes russes en Pologne, ou incursion d’avions russes en Estonie. Le plus inquiétant étant que, une fois que l’évènement est démystifié, et que les véritables causes sont parfaitement connues, le discours de propagande pré-construit continue d’être répété, et bien plus par les dirigeants européens que par la presse.

Il semble donc primordial de comprendre les intentions réelles des dirigeants européens. L’exercice peut sembler vain, tant il est impossible de se glisser dans leur esprit, ou comprendre les mécanismes de prise de décision en utilisant les modèles ou méthodes passés, hérités de la longue tradition occidentale de cartésianisme. Mais il ne l’est pas si on entend par là, l’analyse des facteurs économiques et historiques qui dictent, de fait, les intentions et les actions entreprises par nos dirigeants.

On peut procéder à un résumé draconien du dernier siècle et demi de l’histoire de l’Europe. Dans une première phase, jusqu’en 1945, c’est la lutte d’impérialismes rivaux, essentiellement anglais, français et allemand. Après 1945, c’est l’assujettissement de plus en plus rigoureux de ces impérialismes à celui, devenu dominant, des USA. On peut aussi distinguer la période 1918 - 1945, comme une phase de transition, durant laquelle l’impérialisme des USA s’imposent sur la scène internationale, entrant en concurrence avec les puissances européennes. Il faut comprendre ici « impérialisme » au sens où Lénine le définit dans son ouvrage : « L’impérialisme, stade ultime du capitalisme ». Ce résumé est vraiment un raccourci, le processus n’est pas linéaire. Il voit, par exemple, la France réaffirmer sa souveraineté durant la « parenthèse de Gaulle », avant de reprendre une évolution vers une soumission qui atteint aujourd’hui son apogée. D’autre part, la vie politique de l’Europe ne saurait être strictement limitée à cet aspect. Cependant, l’importance du jeu des impérialismes dans le glissement vers la présente situation, de retour de la guerre en Europe, est primordiale, et c’est pour cela qu’il convient de l’isoler dans le cadre de cette analyse.

Car c’est bien ce jeu des impérialismes concurrents, libérés par le déclin de la puissance américaines, qui paradoxalement, mène un continent affaibli, et que les leçons de l’histoire devraient inciter à la prudence, à envisager la guerre avec la Russie.

Les ruptures de l’histoire récente des USA

Donc, le relais de l’hégémonie globale entre l’empire britannique et les USA s’accomplit au lendemain de la seconde guerre mondiale, avec l’instrumentalisation d’une prétendue menace soviétique, comme camouflage idéologique des appétits impériaux. L’Angleterre accepte un rôle de subordination à l’hégémon américain, position réaliste étant donné son affaiblissement, pour conserver ce qui peut être sauvé de son ancienne puissance. Les USA établissent leur domination sur la partie de l’Europe qui leur revient suivant le partage de Yalta. Avec une grande intelligence, il faut le reconnaître, ils donnent à cette domination un cadre institutionnel, sous la forme d’un projet d’union, qui, dès sa conception, se destine à créer un pouvoir supranational qui devra, à terme, subordonner les pouvoirs des anciennes nations. Ce cadre institutionnel est complété par le volet militaire de l’OTAN.

En général, l’assujettissement des souverainetés nationales est déguisé derrière des idéaux généreux : assurer la paix sur le continent européen, la stabilité et la sécurité par la prospérité, et la protection contre l’ennemi soviétique. Dans le contexte de la lutte idéologique avec l’URSS, il ne s’agit pas que de mots, et il y a un vrai bénéfice dans le deal que les USA proposent à l’Europe occidentale. Le boom économique qui dure jusqu’au années 70 l’illustre. Le bien-être économique, et une politique de soft-power très habile, font qu’il se forme, dans les pays qui composent le marché commun, une élite sincèrement américanophile, et favorable aux intérêts des USA.

La machine se grippe à partir des années 70 avec le retour de la crise économique, de l’inflation et du chômage en Europe et aux USA. Les USA découvrent alors, dans les alliés et subordonnés dont elle avait favorisé le développement économique, de redoutables concurrents, Japon et Allemagne en tête, France et Italie dans une moindre mesure. Sans rentrer dans les détails de l’histoire, il en résulte des changements de politiques profonds : les USA, de créditeurs universels, deviennent débiteurs universels. De principaux producteurs sur le marché mondial, ils deviennent consommateurs de derniers recours, absorbant les surplus de production de leurs alliés, qui eux leur achètent de la dette. C’est la première rupture d’équilibre.
La seconde sera celle de la chute de l’URSS. Elle libère l’hubris des classes dirigeantes américaines, et permet la prise de contrôle de la politique étrangère par les néoconservateurs. Elle donne aussi un niveau de contrôle inédit sur les ressources naturelles russes. Dans l’état de déliquescence de la Russie des années Eltsine, la Russie cesse de produire et doit compter sur la vente de ses ressources pour payer ses importations. Mais elle n’a plus les technologies de forage et d’extraction minière, qu’elle doit aller chercher en Europe et aux USA. Privatisations et prises de participations font glisser ce secteur vital sous l’emprise des grands groupes occidentaux. Il est vraisemblable que cette situation inspire fortement les fantasmes de domination des néoconservateurs, dont l’outil de préférence est le contrôle des ressources énergétiques de la planète. Dans les années 90, les USA contrôle de fait les ressources pétrolières d’une partie du Moyen Orient, de l’Amérique Latine, et celles de la Russie.

La dernière rupture est celle des attentats du 11 septembre 2001, qui va donner aux néoconservateurs la possibilité de mettre en œuvre leur projet PNAC (Project for a New American Century). On constate, à posteriori, que le PNAC a détruit les pays du Moyen-Orient qui possédaient les ressources pétrolières qui n’étaient pas complètement sous la domination des USA : Irak, Lybie, Syrie. De même, le conflit se prolonge aujourd’hui avec l’Iran, et la Russie, qui avait entretemps repris le contrôle de ses ressources énergétiques. Il est tout à fait remarquable que Vladimir Poutine soit devenu l’homme à abattre à l’instant où il a entrepris cette reprise de contrôle au début de son premier mandat durant les années 2000.

L’autre « effet secondaire » imprévu des guerres inspirées par le PNAC, est la perte de crédibilité et des USA en temps qu’unique puissance hégémonique. Les échecs militaires, souvent générateurs d’images assez honteuses leur font perdre le statut d’hyper puissance qu’ils avaient atteint dans les esprits au moment de la dissolution de l’URSS.

L’évolution, marquée par les ruptures évoquées plus haut, amène les USA dans la situation d’une puissance impériale sur le déclin : économie financiarisée, production industrielle réduite, dépendance forte de puissances industrielles extérieures pour sa consommation, et pour l’achat des titres de sa dette, et enfin, contrainte d’utiliser la force militaire pour maintenir son hégémonie, malgré les échecs répétés.

C’est dans ce contexte qu’émerge le premier concurrent sérieux, qui peut établir une hégémonie régionale : la Chine. Le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a été voulue, préparée et conduite par les USA[1], s’inscrit dans le contexte d’une lutte d’influence entre deux écoles de pensées géostratégiques américaines. Afin de contenir la Chine, l’une préconisait d’affronter directement la Chine en formant une alliance avec la Russie, sur le modèle inversé de la guerre froide, l’autre préconisait d’attaquer la Russie d’abord, puis une fois la celle-ci “achevée”, de défaire la Chine. On comprend, pourquoi c’est le camp “Russie d’abord, Chine ensuite” qui a gagné. En effet, les USA, puissances maritimes, développent une stratégie d’établissement de “choke points”, littéralement points d’étranglement, en mer de Chine et dans le Pacifique. Elle leur permettrait de mettre l’industrie chinoise sous blocus énergétique, si, et seulement si, la Russie joue le jeu. D’autre part, le contrôle des ressources énergétiques russes leur permettraient d’influencer les cours selon leurs intérêts. A contrario, contenir la Chine, en s’alliant avec la Russie est une politique dont l’efficacité est limitée par la bonne volonté russe, qui est guidée par ses intérêts propres. Ainsi, le projet d’hégémonie par le contrôle des ressources pétrolières, inscrit dans le PNAC, rendait inévitable une forme de guerre ou une autre, entre les USA et la Russie. Pour renverser ce déterminisme historique, il aurait fallu renoncer au PNAC, et en corollaire virer les néoconservateurs, les « dingues du sous-sol », comme les nommait Georges Bush senior.

Les ruptures Européennes

L’Europe connaît une première rupture au moment du choc pétrolier de 1974. Celui-ci révèle aux ex-puissances coloniales leur fragilité induite par le fait qu’elle ne contrôle plus que très imparfaitement leurs approvisionnements énergétiques. La leçon est d’autant plus rude qu’elle est infligée par des pays qu’elle dominait encore à peine 30 ans plus tôt. Je fais ici l’hypothèse que cette révélation a eu une impacte fort sur le lien transatlantique. Elle se produit durant les années Carter. La puissance américaine est en fort repli, son prestige est terni : débâcle du Vietnam, révolution Iranienne et crise des otages, etc. Logiquement, on aurait dû voir les puissances européennes tenter une émancipation, au moins partielle, de la tutelle assez pesante de l’allier américain. On observe au contraire, une continuation du projet d’intégration européenne, dans son développement “américain”. Il n’est pas possible de l’affirmer avec certitude, bien sûr, mais je pense que se développe alors dans les chancelleries européennes, le sentiment que même affaiblis, les USA sont les seuls qui conservent la puissance aéronavale nécessaire pour sécuriser les approvisionnements pétroliers de l’Europe. Cela renforce donc le tropisme européen de soumission aux intérêts américains, déjà bien établi et entretenu depuis 1945.

La seconde rupture est la réunification de l’Allemagne, et la chute de l’URSS. Dans le contexte de la mondialisation qui est alors particulièrement favorable aux USA, il offre aux pays d’Europe de l’Ouest, comme sur un plateau, des pays avec une main d’œuvre industrielle efficace, et formée. Le logiciel impérialiste des nations avait été étouffé par la présence américaine. Il se réveille, et un état de concurrence pour les travailleurs, les marchés d’Europe de l’Est, mais aussi pour les ressources russes se développe. Au même moment, une propagande efficace bien que mensongère, fait de l’auto-dissolution de l’URSS une victoire américaine. Se développe alors dans l’imaginaire des gouvernants européens (mais aussi ailleurs dans le monde), l’idée d’une hyperpuissance américaine, indépassable et imbattable, avec laquelle il vaut mieux composer que lutter.

La troisième rupture vient avec les accords de Maastricht, et l’adoption de l’Euro. C’est alors que les abandons de souveraineté au profit des institutions supranationales en formation, deviennent visibles et sensibles dans la vie quotidienne des Européens. L’Euro, dont le cours et les règles de fonctionnements ont été dictés par l’Allemagne à son profit, créé des déséquilibres et des tensions particulièrement défavorables aux nations du sud : France, Italie, Espagne, etc. Elles conduisent les Allemands à prendre une position dominante dans la gouvernance de la zone, avec parfois une extrême brutalité comme pour la Grèce en 2008.

Ces trois ruptures se produisent dans un contexte historique et institutionnel beaucoup plus complexe que celui des USA. En effet, si on reconnait souvent la création des institutions européennes et leur évolution comme un processus guidé par les USA, dans le but d’une néo-colonisation de l’Europe, on ne s’interroge pas assez sur l’origine impériale des principales nations fondatrices du « projet européen ». Les nations qui se rassemblent dans le « marché commun », sont toutes d’ex-puissances impérialistes, et pour certaines, comme la France, entretiennent encore des relations de subordination avec les nations nées de la décolonisation. La guerre qui s’achève en 1945 clôt un siècle d’histoire européenne façonnée par la lutte entre les impérialismes allemand, français, et anglais. Et si, contrairement à 1918, les rivalités ne reprennent pas tout de suite, ce n’est pas tant parce que le continent est ruiné, que grâce si à la tutelle américaine. La paix en Europe de l’Ouest est une pax americana, qui étouffe les tensions inter-étatiques, et les redirigent vers un ennemi extérieur, l’URSS. Parmi les bénéfices du « deal » que les USA imposent à l’Europe à partir de 1945, l’un des plus importants est justement cette mise sous le boisseau des rivalités intra-européennes.

Ainsi, si l’on peut voir Jean Monnet comme un traitre, ils ne l’étaient pas sans raison. Face aux deux grandes catastrophes de siècle, accepter le gendarme américain pour nous protéger de nous-même, pouvait paraitre légitime, même si cela signifiait, à terme, la vassalisation.

Cette mécanique se brise avec la réunification de l’Allemagne et la chute de l’URSS. Devant tous ces nouveaux territoires qui s’ouvrent à l’exploitation économique, qui ressemble furieusement à une forme de colonisation, les rivalités impériales qui n’étaient pas éteintes, se réveillent. C’est bien la reconnaissance précipitée de l’indépendance de la Slovénie par l’Allemagne, en 1991, sans consultation avec les autres « partenaires Européens », qui conduit à l’intervention de l’armée Yougoslave, et lance 10 ans de conflits dans cette région. Dans la suite on verra l’Allemagne soutenant plutôt la Croatie, pendant que la France était plutôt proserbe. On retrouve alors des clivages remontant… au début de la première guerre mondiale. Ce n’est que lorsque Jacques Chirac décide de jeter l’éponge et rejoindre la coalition contre la Serbie que celle-ci peut être brisée par un mois de bombardements aériens. Laissé à nous même, il n’est pas du tout exclu que la France et l’Allemagne se soient affrontées, peut-être pas directement, mais par l’intermédiaire de proxys balkaniques. La présence américaine le prévient, et c’est l’Europe elle-même qui demande aux USA de trouver la solution de sortie de crise.

Ainsi, c’est aujourd’hui, le retrait des USA de l’Europe, qui rendent la guerre en Europe de nouveau très probable.

Le « logiciel impérial » relancé

Alors, observons l’évolution de l’UE durant les années qui suivent. C’est le temps des vagues successives d’élargissement de l’OTAN puis de l’Union Européenne. En rejoignant ces institutions, les pays de l’Europe de l’Est abandonnent leur souveraineté politique et économique. Il est difficile de ne pas voir cela comme une extension impériale. En fait l’Europe achève dans ces années-là son évolution en sous-empire d’un empire dominant. Ou, pour le dire autrement, son logiciel impérial redémarre. Ce sous-empire doit s’étendre pour préserver sa viabilité économique. Vu ainsi, on comprend mieux que l’UE se soit laisser convaincre d’adhérer au projet d’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN et l’UE. On comprend aussi mieux l’intransigeance avant 2014 de l’UE, répondant à toutes suggestions d’une solution de compromis pour l’Ukraine, entre une intégration euro-atlantique et une intégration eurasiatique, par une fin de non-recevoir. Vous serez avec nous ou contre nous. Les dangers d’une tentative d’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN étaient reconnus. Les dirigeants européens en 2008 avaient tenté timidement de s’opposer aux USA sur ce point. Mais l’Europe était piégée, d’une part par la nécessité de préserver le rôle pacificateur des USA, restant dans son rôle d’empire dominé, et respectant les intérêts de l’empire dominant. D’autre part, seconde mâchoire du piège, la nécessité économique la contraignait à l’expansion impériale. Ce double piège rendait inéluctable cette décision tragique. Il conduisit la politique française et allemande dans la gestion des accords de Minsk. Et enfin, il dicte aujourd’hui, l’engagement sans faille de l’UE dans le conflit en Ukraine.

La stratégie américaine, embrassée par nécessité par l’UE et la plupart des nations qui la composent, reposait sur un présupposé complètement faux : une Russie affaiblit imploserait sous le poids des sanctions économiques. Si cela avait marché, ce qu’on appelle désormais l’occident collectif, aurait de nouveau pu accaparer les ressources russes, s’offrant un répit dans ses difficultés économiques. Leur contrôle lui aurait rendu la position dominante face aux nouveaux centres de pouvoir émergents. Et, USA et UE ensemble, aurait pu régler le « problème chinois ».

Mais le présupposé était faux, la Russie a résisté, son prestige a grandi, elle a lutté contre l’isolement économique et diplomatique que l’occident tentait de lui imposer en accélérant, de concert avec la Chine, la création d’institutions concurrentes, qui elles-mêmes renforcent la coopération politique et économique du reste du monde, (Asie, Afrique, Russie), sans l’occident. La crédibilité internationale de l’Occident est considérablement diminuée. Pour l’Europe, l’affaiblissement est considérable. C’est sur ses frontières qu’on se bat, et c’est elle qui subit le plus fort impact des sanctions économiques. Et comme un tel « bonheur » n’arrive jamais seul, ces mêmes sanctions qui devaient provoquer l’effondrement de la Russie en 6 mois, provoquent des tensions en son sein, avec des oppositions fortes, comme celles de la Slovaquie et de la Hongrie. Ce qui a conduit Ursula Von der Leyen à suggérer des changements radicaux aux processus de décisions de l’UE, en revenant sur la règle de l’unanimité des états. Les institutions elles-mêmes sont désormais sous pression.

La dernière rupture : my God, les USA foutent le camp !

C’est donc cette UE en crise et affaiblie qui doit faire face à la dernière rupture, que ses dirigeants d’une extrême médiocrité n’ont évidemment pas vu venir : le désengagement américain. La déstabilisation est double. Les USA se dégagent du conflit qu’ils ont eux-mêmes déclenchés, en même temps qu’ils exigent de l’Europe qu’elle compense leurs pertes. L’échec du PNAC, impose aux USA une révision de leur stature impériale. De mondial, ils vont devoir se replier sur un empire régional. Ils ne vont pas pouvoir compenser leur énorme déficit par le contrôle global des ressources énergétiques. A l’évidence, c’est en grande partie par le pillage de l’Europe qu’ils veulent rétablir leur économie. Et il ne s’agit pas d’une foucade d’un président fantasque. L’idée de l’affaiblissement de la Russie par la guerre en Ukraine est un projet qui a été soutenu par une partie des Républicains et des Démocrates, et initialement mis en œuvre par ceux-ci. Le mépris des intérêts européens, le statut de chair à canon économique pour la préservation des intérêts états-uniens, ne datent pas du mandat de Trump. C’est l’administration Biden qui a infligé le coup le plus dur à l’Europe avec la destruction de Nord-Stream.

L’UE et les nations qui la composent font donc face à une triple déstabilisation. Le pacificateur quitte le terrain, la crise économique s’aggrave, et l’ancien allié se comporte comme un ennemi. C’est ce retrait américain qui rend la guerre directe avec la Russie indispensable, alors que l’Europe est incapable de la mener.

De la triple allégeance à la drôle de guerre

Le système européen, américano-centré, a créé une classe de dirigeants ayant une triple allégeance : une première soumission aux intérêts américains, en dessous l’allégeance aux institutions européennes, puis loin derrière, la défense des intérêts des nations qui les ont élus. Leur pouvoir n’existe plus que dans ce cadre. Puisque le souverain américain se retire, la préservation de l’UE, en tant qu’institution où s’exerce leur pouvoir devient primordiale. Car si la première allégeance perd sa raison d’être, alors la seconde, l’allégeance aux institutions européennes, à Bruxelles, devient le socle indispensable du pouvoir de cette élite en état de divorce avec les populations. La Russie est l’ennemi extérieur qui permet de s’unir en faisant taire les dissensions internes. Il remplace le rôle pacificateur des USA. L’accès aux ressources Russes, dans les conditions d’un pillage, est nécessaire au rétablissement (on a presque envie de dire la survie) de l’économie européenne. Vu ainsi, il n’y a plus rien de surprenant à voir Starmer, Merz et Macron devenir les champions de la croisade contre la Russie. Les trois puissances impérialistes du XX° siècle, s’unissent pour une nouvelle extension impérialiste commune au XXI° siècle.

La baisse tendancielle des taux de profits qui durent depuis 40 ans, l’accélération des dettes nationales depuis 2008, puis les confinements du COVID, la désindustrialisation, le retrait au moins partiellement des USA du théâtre de guerre qu’ils ont eux-mêmes créé, leurs exigences vis à vis des européens (achat d’énergie à haut prix, transferts de richesses), tous les facteurs (la liste n’est pas exhaustive), tendent vers une crise systémique majeure du « système UE », dont nous vivons déjà les débuts. Elle en détruirait les institutions, sur un modèle similaire à ce qui est advenu en URSS dans les années 90. Vu des bureaux de Merz, Macron, Starmer, c’est tout le système qui leur donne leur pouvoir, et auquel ils s’identifient, qui menacent de s’effondrer, pour les renvoyer aux « poubelles de l’Histoire », selon l’expression consacrée. Seul un effondrement de la Russie, et l’accès au pillage de ses ressources, peut aujourd’hui le sauver. Il y a donc une convergence d’intérêts objective entre les élites de pouvoir européiste, et le système financier et oligarchique, pour poursuivre l’escalade jusqu’à une confrontation directe en la Russie et l’OTAN.

Mais ils n’en ont pas les moyens. C’est l’objection qu’on entend d’habitude, et elle est exacte. L’UE n’est pas en situation de faire la guerre à la Russie. Mon hypothèse est que, dans l’immédiat, Starmer, Mertz, et Macron ont d’abord besoin d’un état de guerre, pas de la guerre elle-même. Ils ont besoin d’une situation ressemblant à celle de la « drôle de guerre ». L’état de guerre ouvre un champ d’action considérable. Il permet de suspendre les processus démocratiques déjà affaiblis. On peut imposer la fédéralisation de l’Europe, on peut préempter l’épargne des européens, on peut suspendre la liberté d’expression, restreindre celle de déplacement, etc. En bref, il permet d’imposer aux populations ce qu’elles ne sauraient accepter dans un jeu normal des institutions. Et pour qu’elles jouent le jeu, il faut obtenir une action de la Russie qui permette de la présenter comme l’agresseur avec un minimum de crédibilité.

Les nouveaux funambules de l’escalade

On peut alors envisager les scénarios de provocations de plus en plus grave, d’opérations sous faux drapeau, jusqu’à obtenir une réaction de défense de la Russie qui puisse être « vendue » aux populations comme une agression. Dans cette hypothèse, le territoire de la Finlande semble le lieu idéal. Car si le but est de créer une situation de guerre larvée, à la façon de la « drôle de guerre », il faut avoir la maitrise de l’escalade. De ce point de vue, les autres candidats aux suicides géopolitiques que sont les états Baltes ne sont pas fiables. Les importantes communautés russes qui y vivent risqueraient d’être la cause d’un emballement incontrôlable. La Finlande offre de grands étendues vides, une longue frontière avec la Russie, et la proximité de la seconde ville de Russie, Saint Pétersbourg, comme facteur de déclenchement d’une réaction russe. Une hypothèse serait l’installation de missile de croisière le long de la frontière, dans un endroit désert mais raisonnablement proche de Saint Pétersbourg. Il suffit alors d’un tir d’essai, sans avertissement préalable vers la partie russe, pour provoquer une réponse automatique des systèmes de défenses russes. Cet incident sans perte de vie humaine, mais avec la destruction d’un matériel de l’OTAN sur son sol serait suffisant pour que la Finlande demande l’activation de l’article 5.

Un autre scénario serait celui d’une destruction en vol d’un avion de ligne. Les vols de soi-disant drones russes au-dessus, ou dans le voisinage des aéroports pourraient bien être une préparation des opinions publics à un tel événement. « L’avantage » de ce genre d’actions est l’énorme émotion publique qu’elles provoquent. La médiatisation est aisée et efficace. Là encore, la Finlande, avec sa longue frontière qui oblige nécessairement les avions de ligne à évoluer à proximité du territoire Russe, est un théâtre propice.

Quoiqu’il en soit, ce type d’incident n’exigeant aucune action militaire immédiate, on se retrouverait effectivement dans un contexte de « drôle de guerre ». La suite du scénario serait alors la mise en état d’urgence des pays de l’OTAN, en particulier la France, l’Allemagne et le Royaume Uni. Il devient alors possible pour ces pouvoirs extrêmement impopulaires, de reprendre l’initiative en imposant par la force ce que les populations ne ne sauraient accepter tant que les institutions fonctionnent. L’espoir étant, toujours, d’arriver à mettre la Russie à genoux.

La guerre des trois aura bien lieu

Mais le problème subsiste : les évaluations faites par tous les observateurs compétents disent qu’il faudrait au minimum 5 ans pour reconstruire une armée capable, sur le papier, de combattre directement la Russie. Mais ce serait une armée sans aucune expérience du feu, qui serait donc, même superbement équipée, désavantagée sur le terrain. En outre, le système européen est-il capable de tenir 5 ans en état d’urgence ? Étant donné son impopularité et l’état de son économie, on peut en douter. Serait-il aussi capable de survivre à la détérioration de ses relations avec le reste du monde, en particulier en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement ? Là aussi, on peut en douter. Le projet semble donc absurde. Mais l’histoire récente nous a appris que ce n’est pas parce qu’une idée est stupide et irréaliste que les élites européennes ne la mettent pas en œuvre. On a même envie de dire : au contraire.

Et ce d’autant plus que la crise que les gouvernements européens ont aggravée en suivant les américains dans leur « projet Ukraine », attise les divergences d’intérêts entre états. Mais pour les Mertz, Macron, Ursula Van der Leyen, et consort, la pérennité de l’UE est la condition de l’existence de leur pouvoir, et le cadre dans lequel ils voient se développer leurs carrières politiques. Lorsqu’ils prétendent « vendre » aux peuples l’ennemi Russe comme force unificatrice, ils SE la vendent plus qu’ils NOUS la vendent. L’ennemi extérieur leur est plus nécessaire qu’aux peuples qu’ils gouvernent si mal.

Refaisons la liste des facteurs :

• La crise économique grave

• La crise systémique de l’Union Européenne

• Des élites divorcées des populations

• La nécessité de compenser l’affaiblissement du contrôle américain

• Les actions hostiles, sur le plan économique de l’ancien allié, et son désengagement du théâtre européen, et la nécessité de le ralentir voir de le contrecarrer

• L’impossibilité de reconnaître la défaite sans remettre en cause tout l’édifice institutionnel de l’UE,

Tous les facteurs convergent vers l’engagement d’une guerre directe mais impossible avec la Russie.

Ainsi, le scénario le plus probable aujourd’hui est celui d’une provocation pour créer une situation de « drôle de guerre ». Vue ainsi, on retrouve une forme de rationalité cynique et perverse au comportement inutilement provocateur, de Merz, Macron et Starmer vis à vis de la Russie.

La médiocrité des dirigeants Français, Allemands, Britanniques, ainsi que ceux de l’appareil bruxellois est un facteur que l’on peut déplorer, ou dont on peut se gausser, mais il n’est pas primordial. Car c’est bien plus la « matière historique » qui est aux commandes, que ces nains intellectuels. Comme le montre brillamment Giovanni Arrighi dans son « Adam Smith à Pékin », durant les 5 derniers siècles, la paix à été plutôt la norme dans l’Asie sino-centrée, tandis que c’est la guerre qui l’a été en Europe. La géographie, l’histoire politique, culturelle et ethnographique ont créé les conditions de cette agressivité, mais aussi d’un développement économique extraverti, là où la Chine a poursuivi un développement intraverti. Quand l’Angleterre, la France puis l’Allemagne font leur révolution industrielle, elles se découvrent assez peu riches en ressources naturelles et en espace, et vont donc les chercher à l’extérieur. C’est l’histoire, la géographie, la culture, les valeurs qui les poussent vers l’impérialisme. C’est cette multiplicité de facteurs qui rend l’évolution inexorable qui rend pertinent la comparaison avec un algorithme. Tout étudiant ayant suivi le premier cours d’informatique de sa scolarité connait cette définition : un algorithme est une suite d’opérations qui produit à partir des mêmes données, le même résultat de manière déterministe. Sous la pression d’une crise économique et politique grave, on observe la résurgence des impérialismes, et du militarisme. Bien sûr, le déterminisme historique n’est pas aussi implacable que les lois de la physique ! Les hommes peuvent influer le cours de l’Histoire. Mais il faut des gens brillants : des Churchill, des de Gaulle, par exemple. Nous n’avons que des Mertz, des Macron, des Starmer, des Van den Leyen.

Il est donc très probable que nous allons rentrer prochainement en « drôle de guerre » avec la Russie. La guerre des trois, France, Allemagne et Royaume Unie aura lieu. Et tant pis si Hélène sent le pétrole, et que Achille, Agamemnon et Ulysse sont incarnés par Macron, Starmer, et Mertz ! On a les héros que l’on mérite. Mais comme un tel état ne peut se prolonger éternellement, quel sera le scénario de sortie ?

Ce sera donc l’objet de la suite de cette analyse

[1] pour ceux qui ne l’aurait pas encore fait ou contesteraient ce fait, je recommande la lecture du livre de Brzejinski, Le grand échiquier, ainsi que le rapport de la Rand Corporation .

Voir en ligne : https://www.vududroit.com/2025/11/l...