Ramón Pérez-Maura, ABC — Le contraste est étonnant, entre le désamour des Espagnols pour les institutions européennes tel que le révèlent plusieurs études, et l’absence en Espagne de mouvements eurosceptiques pouvant espérer conquérir ne serait-ce qu’un seul des 54 sièges à pourvoir le 25 mai prochain. Plus étonnant encore, l’Espagne reste ce pays où les rares populistes ayant obtenu un siège au Parlement européen (en l’occurrence Ruiz Mateos et son gendre, en 1989) l’ont remporté grâce à des messages très europhiles.
Nous, les Espagnols, sommes conscients de tout ce que les institutions européennes nous ont apporté après des décennies d’isolement. Et ce n’est pas aujourd’hui que nous allons mordre la main qui nous nourrit depuis 1987. Le problème aujourd’hui, c’est qu’au populisme eurosceptique, caractéristique d’un parti comme l’Ukip britannique, s’ajoutent les antécédents xénophobes du Front national français. Et l’on peut se demander comment l’UE réagira à la victoire électorale d’un parti de cet acabit.
Rappelons-nous ce qui s’est passé en 2000 quand le Parti libéral d’Autriche (FPÖ) de Jörg Haider, vainqueur aux législatives autrichiennes, est arrivé au pouvoir grâce à sa coalition avec le Parti populaire (ÖVP), auquel il laissa cependant la chancellerie. On se souvient du branle-bas de combat qui s’en était suivi, l’Union envisageant même alors d’expulser l’Autriche (Note de Michel Garroté – Tentative d’expulsion qui en dit long sur la dimension non-démocratique de la bureaucratie européenne).
Finalement, un comité de trois sages, parmi lesquels Marcelino Oreja (qui fut ministre du gouvernement d’Adolfo Suárez, député européen puis commissaire européen), avait prôné l’acceptation du scrutin démocratique. Il était plus utile de tenter d’analyser les raisons de ce résultat électoral (conséquence logique d’un quart de siècle lors duquel de grandes coalitions s’étaient succédé au gouvernement) que d’en condamner les conséquences.
Aujourd’hui, l’UE pourrait se voir confrontée à la victoire en France d’un parti xénophobe aux élections européennes. Evidemment, il ne pourra pas pour autant former de gouvernement. Mais si vraiment nous tenons à redorer le blason de ce scrutin, ceux qui se sont révolté contre l’Autriche peuvent-ils fermer les yeux sur ce qui s’annonce aujourd’hui en France ?
Il est parfois pertinent de faire deux poids deux mesures. Mais cette fois, ce serait négliger le risque, gigantesque, de contagion de ce « modèle français » (Note de Michel Garroté – Ce qui ne justifierait en rien une tentative d’expulsion de la France, même si l’idée, en elle-même, a un tout petit quelque chose de presque marrant).
http://www.courrierinternational.com/article/2014/05/20/si-le-pen-gagne-sanctionnera-t-on-la-france