« Le ciel se rit des prières qu’on lui fait pour écarter de soi les maux dont on persiste à vouloir les causes. »
Jacques-Benigne Bossuet
Par Andrei Akulov – Le 19 décembre 2016 – Source Strategic Culture
Le Council of Foreign Relation (CFR), fondé en 1921, est un groupe de réflexion de 4 900 membres spécialisé dans les affaires internationales des États-Unis. Organisme à but non lucratif, il est composé de politiciens chevronnés, de dirigeants d’entreprises, de journalistes reconnus, d’avocats éminents, de personnalités des médias, d’érudits renommés et de professionnels distingués. Le CFR est la voix promotionnelle de l’establishment. Il exerce une grande influence sur la politique étrangère et sur les décisions prises par les hauts fonctionnaires et les membres du Congrès.
Le 13 décembre, le CFR a publié son enquête annuelle sur les Priorités préventives afin d’aider les décideurs à planifier les éventualités. Le document évalue les conflits violents, en cours et potentiels, et les sources d’instabilité en fonction de l’impact qu’ils auront sur les intérêts des États-Unis ainsi que leur probabilité d’advenir en 2017.
« Avec l’entrée en fonction d’une nouvelle administration présidentielle, il est important d’aider les décideurs politiques à anticiper et à éviter les crises potentielles qui pourraient survenir et menacer les intérêts américains. Notre enquête annuelle vise à mettre en évidence les sources les plus probables d’instabilité et de conflit dans le monde afin que le gouvernement puisse donner la priorité à ses efforts de manière appropriée », a déclaré le directeur de l’ACP, Paul B. Stares.
Le document recense sept sources potentielles de conflit, dont l’escalade peut avoir de graves conséquences pour Washington. La liste commence par une confrontation, délibérée ou involontaire, entre la Russie et l’OTAN, provoquée par le « comportement agressif » de la Russie en Europe de l’Est. Il semble plutôt symbolique que le système de lance-roquettes multiples russe auto-porté Uragan ait été choisi comme illustration sur la page de garde de la publication de l’enquête.
Les autres menaces les plus graves incluent une crise majeure en Corée du Nord causée par les essais d’armes nucléaires, une cyberattaque dévastatrice sur les infrastructures critiques des États-Unis et un attentat terroriste perpétré par des terroristes étrangers ou nationaux contre les États-Unis ou les pays alliés.
Le rapport mentionne également l’instabilité accrue en Afghanistan, l’intensification de la violence entre la Turquie et divers groupes armés kurdes et l’escalade de la guerre civile en Syrie, la crise des réfugiés en Europe, la division de l’Irak due à la violence sectaire d’État islamique, les tensions croissantes entre Israéliens et Palestiniens et la désintégration politique de la Libye, l’instabilité politique aux Philippines, l’instabilité croissante et l’autoritarisme en Turquie, et la propagation des troubles civils et de la violence ethnique en Éthiopie.
Globalement, le document évoque trente éventualités de menaces potentielles à la stabilité pouvant avoir un impact sur les intérêts de l’Amérique. Beaucoup d’entre elles ont des relations directes ou indirectes avec la Russie : l’Ukraine, la Géorgie, la Syrie, les cyberattaques – à vous de choisir.
Le document établit des priorités, mais il manque d’analyse. Il n’existe aucune explication des raisons pour lesquelles telle ou telle menace potentielle est apparue et ce qui a aggravé le problème.
Prenez par exemple la prétendue menace venant de Moscou.
Les États-Unis se sont retirés du Traité ABM en 2002, ce traité concernait le processus de contrôle des armements. Le programme de défense antimissile balistique de l’OTAN (BMD) est devenu le principal obstacle sur la voie de tous les accords Russie-OTAN pour soulager les tensions en Europe. Les États-Unis sont les instigateurs de la permanente mise à niveau de l’arsenal nucléaire tactique de l’OTAN en Europe, en violation flagrante du Traité de non-prolifération (TNP) de 1968. Washington déploie ses forces près des frontières russes dans le cadre de l’Initiative européenne de réassurance de l’OTAN.
Les États-Unis ont largement contribué à la crise du contrôle des armements. Washington a également violé plusieurs accords importants dans ce domaine, y compris le traité INF.
La politique assertive de la Russie a été provoquée par l’expansion de l’OTAN et le rejet des tentatives pour résoudre des questions vitales, comme les plans de défense antimissile balistique.
La menace terroriste est devenue particulièrement aiguë pour les États-Unis après la tragédie du 11 septembre. Mais Ben Laden, le cerveau derrière ce crime odieux, a été soutenu par les États-Unis avec d’autres extrémistes qui combattaient l’Union soviétique en Afghanistan. L’attaque a été un contrecoup provoqué par cette politique.
L’émergence du groupe État islamique en Irak est le résultat de l’invasion américaine en 2003. Les flux de réfugiés vers l’Europe sont le résultat du soutien de Washington au printemps arabe. L’instabilité en Libye a été créée en raison de l’intervention de l’OTAN menée par les États-Unis en 2011 qui va bien au-delà de la résolution 1973 de l’ONU.
Il y a un fait très important que l’enquête sur les Priorités préventives n’a pas mentionné. Ce sont les États-Unis eux-mêmes qui ont créé les problèmes de sécurité auxquels il doivent faire face. Et le 115e Congrès essaie d’aggraver les choses. Il y a des raisons de croire que le président élu sera en mesure de changer le cours des choses. Les premiers actes qu’il entreprend prouvent qu’il est capable d’une pensée indépendante. Il semble être à l’abri de l’influence extérieure. Son choix du candidat au poste de secrétaire d’État [un « ami » de Poutine, NdT] confirme ce fait. Espérons que le nombre de contingences quantifiées par le CFR sera réduit après l’entrée en fonction du président Trump.
Andrei Akulov
Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone